SOLOMO, ROPO et medias locaux

le 23 Sep 2011
13 min de lecture
SOLOMO, ROPO et medias locaux

Là on a à peu près tous les acronymes qui vous garantissent de paraitre brillant dans les soirées media au Showcase !

Plus sérieusement c’était le thème d’une conférence que j’ai eu le plaisir d’animer pour Media Institute le 20 septembre. Grossièrement ça pourrait se traduire par : dis-moi quel chemin j’ai suivi pour acheter mes yaourts, et avant d’acheter mes yaourts (je ne sais jamais comment on écrit yaourt…). Est-ce que j’ai prévisualisé mes yaourts sur Internet avant ? Est-ce que j’ai comparé les prix avec mon smartphone dans les supérettes du département avant de me décider à les mettre dans mon caddie ? Est-ce que j’ai scanné le code barre des yaourts avec ce même smartphone pour envoyer le bon plan sur Facebook à mes potes, parce que bon, les yaourts myrtille, c’est plein d’antioxydant, c’est bon pour la santé, etc… et qu’en même temps ça me fait des points de fidélité convertibles en réduction sur les shampoings !

Vous me direz : est-ce que ça valait la peine de mobiliser 130 personnes, la crème des intervenants et plein de petits fours pour savoir comment on fait ses courses ?

La réponse est oui bien sûr et le sujet intéresse même un paquet de gens. Les annonceurs veulent savoir ce qu’un euro investi sur un media donné leur rapporte véritablement comme ventes ;  les vendeurs de media digitaux aimeraient bien qu’on matérialise le nombre de ventes en magasins qui proviennent des sous investis chez eux ; et pour finir les « anciens media » aimeraient bien savoir comment se coupler intelligemment aux nouveaux media afin que lesdits sous ne s’enfuient pas vers d’autres horizons à mauvais escient.

S’il y avait un point important à retenir dans cette journée, ce serait celui-ci : les frontières s’effacent progressivement.

Jusqu’ici c’était simple, aussi bien pour les vendeurs de media que pour les vendeurs de yaourts. On achetait certains trucs par Internet et d’autres machins dans le magasin. Et des tendances se dégageaient concernant nos habitudes ; plus de 80% des gens se renseignaient sur l’Hotel Majestic aux Maldives par le web mais allaient quand même à l’agence pour qu’un être humain leur dise que oui ! C’était bien la même plage que sur la photo avec les mégots et les crottes de chien d’origine ! Et pour mon canapé mauve, j’allais l’essayer dans le show-room pour savoir s’il était compatible plateau télé, et je l’achetais sur Internet au meilleur prix grâce au comparateur du moment.

Mais tout ça est en train de se déliter. Finie la clarté !

D’abord une tendance lourde en France est en train de se matérialiser. Nous allons de plus en plus vers le commerce de proximité. Pas le boucher ou le boulanger du coin, pas la superette à l’ancienne mais ces nouveaux formats de supermarchés des villes type Monop’ ou Carrefour City. Nous avons été 57% à y faire nos course cette année et la croissance de ces nouvelles surfaces est quatre fois supérieure à celle des autres formats de distribution. On n’est pas dans l’anecdotique. Sauf que là, on n’est pas non plus dans la prescription par Internet. On parle des courses du soir, quand on rentre pressé et crevé sans savoir si la nounou aura baigné le petit et fait la bouffe… Pas de surf là-dedans. D’après Gaëlle le Floch de Kantar Worldpannel qui a analysé tout ça, quatre raisons nous poussent à ça. En 1, on a pas le temps ; en 2, j’y vais tout seul et ça évite que les gosses réclament des chewing-gum à  la caisse (et même moi je ne serai pas tenté d’acheter la Ben & Jerry’s à la Macadamia, c’est pas bon pour ce que j’ai…) ; en 3 les packagings sont plus adaptés (j’ai pas besoin du pack de 68 bouteilles de 4 litres d’adoucissant) et en 4 je n’ai plus les frais d’essence du trajet jusqu’à l’hyper.

3 choses à constater et à retenir. La crise nous pousse vers certaines formes d’économie (moins d’essence, moins de tentation, moins de gâchis – c’est vrai que 8 poulets à manger en trois jours sous prétexte que c’est en solde…) mais ce n’est pas le prix qui nous guide, ce qui peut sembler paradoxal. Les media les plus utiles pour aider le distributeur sont plutôt l’affichage (qui a de surcroît le mérite d’être local), la télé, la radio, bref ces media dits « tradi » qui contribuent fortement à créer de la notoriété de masse. Et le digital est moins présent dans ce type de process, en tout cas pour l’instant.

En revanche, dès que j’attaque dans le dur et que ce n’est pas mes yaourts, l’Internet pèse de plus en plus lourd. D’après Bertrand Krug de Médiamétrie / Netratings, 86% des internautes préparent leurs achats sur Internet et les principaux prescripteurs sont les moteurs de recherche, les sites marchands et les comparateurs. 68% des acheteurs en magasins se préparent sur le Net (+13 points !) alors que 26 % seulement des acheteurs digitaux sont d’abord allés voir en magasin (-5 points). Là y’a plus photo. Ce dernier chiffre était au-dessus de 40 % il y a 3 ou 4 ans. Ça veut dire qu’on a confiance, qu’on a moins peur de mettre sa carte bleue sur le web, moins peur de rester avec des chaussures en 39 sur les bras parce que les mômes ça grandit tout le temps, qu’ils ont mis deux mois à livrer, qu’ils n’ont plus de 40 et que de toutes manières on ne sait pas ou renvoyer les trop petites !

On constate aussi que les consommateurs privilégient les enseignes multicanal et qu’il devient donc vraiment stupide pour une grande enseigne de ne pas avoir un site digne de ce nom. Parce que maintenant les internautes vont parfois voir les sites des marchands eux même (en particulier les avis. On fait confiance mais faut pas exagérer) avant d’aller comparer. A ce jeu-là, la notoriété de la marque est un allié précieux pour le commerçant. Il a besoin des grands medias mais il a aussi besoin de media web pour être identifié acteur du web, là où on le cherche.

Et puis c’est le mobile qui brouille les cartes. Un tiers d’entre nous a un smartphone, mais surtout un mobinaute sur deux se renseigne sur son téléphone avant d’acheter, un sur quatre a acheté depuis son mobile et un sur trois a surfé depuis le magasin, essentiellement pour vérifier si ce n’était pas moins cher chez l’épicier deux rues plus loin et avoir l’adresse de l’épicier. Ça, ça n’existait pas du temps de maman…

Ce qui existait déjà du temps de la maman en question c’est le papier dans la boite aux lettres. Ringard me direz-vous… On te parle de media, là, pas des trucs sur ton pare- brise… N’empêche que deux tiers des moutons que nous savons parfois être se déplacent en magasins sur réception d’un courrier promo et qu’une bonne moitié d’entre nous bouge sous l’impulsion d’un prospectus !

Mais ce n’est pas le plus étonnant. Anne Tollie de Mediapost Publicité nous apprend que la moitié des récipiendaires d’un courrier publicitaire… vont sur Internet. Et 35% y vont à cause d’un prospectus. Ça rappelle l’époque où l’on achetait un magazine pour avoir l’adresse des meilleurs sites Internet du moment, par exemple quand on cherchait un job. Ça matérialise surtout une chose : les media traditionnels restent actifs et efficaces mais les acheteurs se répartissent en fonction des produits, de l’endroit où ils habitent (va acheter un scooter des neiges dans le midi, tiens…) entre les magasins virtuels et réels.

Puisqu’on en est aux surprises, en voici une autre : D’après Philippe PLICHON de Google et une étude Google Ipsos Media, si en gros 20% des internautes ont déjà acheté avec leur téléphone (les chiffres varient d’un intervenant à l’autre de 17 à 24 %) et qu’un autre 20% va en magasin à cause de ça, un tiers… va sur le web. C’est vrai que le téléphone ce n’est pas pratique pour les presbytes ou quand le site ne tient pas dans l’écran, ce qui reste assez fréquent, soyons honnêtes.

Et puis Philippe nous a aussi refilé un scoop qui va rassurer tous les vendeurs de régimes et les fabricants de machines qui font tes abdos même si tu bouges pas, et les distributeurs de mixeurs qui font la mayonnaise sans œuf, sans huile et sans mayonnaise, produit exclusif venu de Birmanie directement sur une chaine de téléachat : les « ménagères digitales » sont au rendez-vous derrière les 250 000 000 de requêtes quotidiennes effectuées dans Google. Elles sont surreprésentées ! Pierre Bellemarre peut enfin se détendre. Elles faisaient déjà le business avant et sur Google c’est pareil ! Ces dames font la moitié des requêtes retail, la moitié des clics sur les liens sponsorisés. Elles représentent un peu plus du quart des internautes mais plus de la moitié des acheteurs du net. Le support à changé, pas l’éternel féminin. J’insiste. Il n’y a aucun sexisme dans ce billet ; juste des statistiques. Et dans ce monde technologique où tout fout le camp, un peu de certitudes, ça rassure.

D’ailleurs, il y a au moins un point sur lequel Philippe Plichon et Julien Ampollini de Pages Jaunes convergeaient (ça aussi c’est rassurant). Plus de 10 % des recherches aujourd’hui se font sur un mobile et c’est en croissance explosive.

Pages Jaunes, voilà un vrai exemple de business qui a pris le virage du web et l’a bien négocié sans se taper des complexes (papier, pas papiers…). En quatre ans, la part du business digital est passée de 30 à 50 %. Et le plus drôle c’est que sur les 9 français sur 10 qui utilisent les services de Pages Jaunes, un nombre croissant utilisent le canal digital … pour commander l’annuaire papier. Quand je vous dis qu’on a besoin de se rassurer, de garder des repères… Eux ils ne les perdent pas les repères ! Ils savent comment faire du business avec des TPE/PME, de Hasbrouk à Rocamadour. Et ce n’est pas le même métier. Julien Ampollini nous a expliqué qu’une PME dépensait en moyenne 6000 € par an pour sa com (1/3 chez Pages Jaunes si j’ai bien compris). On est bien loin des plans medias pharaoniques claqués par Renault ou Kellog’s (c’est comme yaourt. Je ne suis jamais sur de l’orthographe, ils m’en excuseront) chez des agences media multimondiales (vers l’infini et au-delà !).

Je n’ai pas résisté à l’envie de demander à Google et Pages Jaunes s’ils se sentaient un peu concurrents, s’ils partiraient en vacances ensemble, avec ou sans la belle-mère… En gros la réponse c’est « il y a du taf pour tout le monde » et plus sérieusement, il est vrai que les données Pages Jaunes peuvent être moins exhaustives mais parfois plus qualifiées. On a tous échoué un jour avec nos potes devant une pizzeria devenue pressing qui avait juste oublié de mettre à jour son site internet. On avait bien essayé de téléphoner mais comme ça ne répondait pas, on s’était tous dit que le serveur n’avait pas le temps de répondre, trop de boulot et tout et tout (le serveur du resto bien sûr, pas celui de Google). Bref, ils sont potes, ils se repassent du trafic… Tout va bien.

En parlant de papier et de business local, Laure Klotchkoff et Olivier Lê Van Truoc (je vous défie de chercher ça correctement dans Google) nous ont montré avec leur étude sur le secteur de la PQR à quel point le mot local avait un sens, même à l’ère du mobile.

Il y avait beaucoup de chiffres mais pour la faire courte, les gens du nord ont dans le cœur le bleu qui manque à leur décor et pas les bretons ou les Aquitains… Non, ça c’est pas vrai et puis on s’en fout. Par contre ils réagissent différemment en fonction des types de messages publicitaires. Un nordiste aime bien la réclame, un Alsacien qu’on lui parle de pouvoir d’achat. Un aquitain est sensible aux produits d’appel, un Bourguignon à l’urgence.

C’est mal résumé et ça confirme juste aux honorables lecteurs que je ne comprends rien aux études mais ça nous rappelle la célèbre Maxime « Think Global, Act Global ».

Jean François Mariotte aussi nous a confirmé ça, de chez Lagardère Métropole, en nous rappelant que si 97% des campagnes nationales passaient par des agences medias, en région c’était le cas pour seulement 30% d’entre elles, qu’un spot radio en province, ça coutait 15 € prix plancher et que quand on était une régie intelligente, on ne confondait pas Paris et le reste.

Emmanuel Pottier aussi nous a bien expliqué qu’il ne fallait pas oublier les medias locaux et qu’il jurait de péter le téléphone du premier qui ferait mine de tweeter, de faire des signaux de fumée à base de bits ou de lâcher des yeux une de ses affiches pour mater un écran, même éteint !!! Vous l’aurez deviné, il est dans l’affichage, chez Clear Channel. Ceci dit il nous a montré ce qu’on pouvait faire de marrant avec des écrans tactiles, des batailles de quartier, je t’affiche des hamburgers seulement quand tu manges, et que le midi quand ça ne fait pas grossir, de l’interactif, quoi… Il nous a même dit qu’il ne voulait pas se la jouer Malcolm X mais qu’il avait un rêve (comme Luther King en somme) pour le futur des afficheurs.

Sans doute le même que Sylvain Morgaine, de Netmeno : Nous coller des puces sans contact partout (comme le pass Navigo) pour toujours savoir où nous trouver (dans un rayon de 10 cm parce que ça ne marche pas trop de plus loin) et nous montrer le hamburger juste quand il faut et cuit à point. En attendant il pose des QR codes partout. Méfiez-vous !

Il y en a un qui nous a vraiment fait rêver ; c’est Frédéric Tardy, le patron de l’atelier BNP Paribas à San Francisco. Sa région à lui est plus loin et plus grande. D’abord c’est le seul d’entre nous qui avait une puce sans contact sur son téléphone (si, si !). Et puis avec son téléphone il passe son temps à faire des choses bizarres. Il casse ses clefs dans sa serrure (surement un test) mais au lieu de se faire arnaquer par une des multiples officines de serrurerie qui sévissent en France, il prend son portable (non, pas pour forcer la serrure…) et utilise une appli qui lui trouve le serrurier le moins cher dans son coin et le fait venir illico. Il nous a surtout présenté Booyah, une start-up américaine géniale qui joue au Monopoly sur le Net. Vous photographiez le Starbucks du coin et vous dites à l’appli que vous voulez l’acheter. Si je le veux aussi, je peux surenchérir. En fonction de ce que nous allons faire et où,  la base de données va nous profiler. Si je veux acheter la boutique Du Pareil au Même, ce truc décide que j’ai des gosses, très probablement ; si je photographie une boutique de massage, il va penser que j’ai des courbatures… ou pire ; et tout ça sans remplir le moindre formulaire ! Mais c’est bluffant. Et ça ouvre une fenêtre sur ailleurs.

Ça s’appelle la gamification, le fait de passer par une interaction ludique pour générer de la connaissance client ou des revenus. Booyah a dépassé les quatre millions d’utilisateurs, et pas que des jeunes.  On est des grands gosses. Les empereurs romains disaient que pour nous faire tenir tranquilles il fallait du pain et des jeux…

C’est ce que fait Philippe Reynaud de chez Renault également. Il se penche dans tous les sens avec son mobile pour nous montrer des lions par le plafond et des moines qui se castagnent (il dit que c’est « immersif »), et ça c’est marrant. Mais pendant ce temps-là il s’efforce de nous trouver le concessionnaire le plus proche et de se souvenir de nos dates de vidanges. Astucieux autant que disparate. Mais c’est ça aussi la connaissance client.

C’est là-dessus d’ailleurs que Yan Claeyssen, d’ETO a clôturé la séance. Sur la connaissance client. En gros et à fort juste titre, il rappelle que tous nos nouveaux medias interactifs récoltent de la donnée et de l’intelligence et que la vraie valeur se situera là dans les 5 ans qui viennent si les petits cochons ne nous mangent pas, si la couche d’ozone ne nous liquéfie pas et surtout si nous nous mettons à interconnecter toutes ces sources de données autour d’un réceptacle unique, le Dieu CRM. SOLOMO, ça veut dire Social, Local, Mobile, les trois mamelles de l’information qui feront le business de la génération qui vient, si tout le monde se cause dans le poste.

De fait je pense qu’il a raison, même si ça flanque parfois un peu les jetons d’être répertoriés de partout, quand on est un pékin lambda. D’ici qu’on nous bague pour voir où on va se reproduire comme les tortues Luth et les cigognes…

Enfin bon, ce mardi on était pas chez les lambda, on était chez les medias. Et nous, c’est comme les Vocapeople. On vient d’une autre galaxie ou on vénère le Beta de Morgenstern et la data, et où tout le monde veut savoir comment je fais mes courses pour me transfuser de la notoriété assistée (ou pire, spontanée !) et m’obliger à changer de yaourt pour me bourrer de Bifidilius surtransactif, que je siroterai directement par mon smartphone à ondes radioactivées. Faut s’y faire.

J’ai été un peu long et j’ai surement oublié plein de chose et de gens (ils ne m’en voudront pas j’espère). Là, je suis fatigué. ROPO ! (je sais c’est nul mais je n’ai pas résisté ;)).

Richard STRUL

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